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NEWSLETTER No 5

Fieldwork VI à Bienne, du 8 au 13 janvier 2018

Rapport de Thomas Hirschhorn

«Public Non-Exclusive»

Pendant tout mon ‘Fieldwork’ à Bienne  j’ai essayé de tenir mon engagement de travailler dans la direction ou pour un ‘Public Non-Exclusive’ Ce public constitue une ligne de conduite a laquelle je me tiens en général mais aussi en particulier – comme ici à Bienne pour la «Robert Walser-Sculpture».

Ce diagramme «Public Non-Exclusive» je l’ai fait car trop souvent, je dois lire ou entendre – à ma grande surprise – et comme un argument positif et valorisant, que l’artiste X ou Y aurait présenté son travail à un «public trié sur le volet». Je veux et je dois opposer à cette idéologie du «public trié sur le volet» ou du «Public VIP» quelque chose de généreux, d’inclusive et de clair, qui sera le «Public Non-Exclusif». Un terme de mon invention qui vient de mon vouloir de travailler toujours pour un «Public Non-Exclusif». C’est ma mission, aussi donc ici à Bienne. Avec le «Public Non-Exclusive» je veux fixer la question du public de l’art et de l’audience de l’art – aujourd’hui. Il y a trois cercles dans mon diagramme – que je veux essayer d’expliquer, qui sont le cercle du «Public Non-Exclusif» ou aussi de «l’Autre», le cercle du «Spectre d’Evaluation» et finalement le cercle de «l’artiste». A partir du cercle de «l’artiste» part une flèche, qui exprime la volonté et la direction, car c’est à moi, l’artiste de déterminer la direction de cette flèche. Ce mouvement et donc mon travail, vont vers ce que j’appelle le «Public Non-Exclusif» ou «l’Autre». Cette action, sa dynamique, sa force et sa direction sont essentielles. Je veux et je dois être déterminé à diriger mon travail – mon travail d’art – avant tout vers ce «Public Non-Exclusif» ou vers «l’Autre». C’est une affirmation et c’est ce qui est politique dans mon diagramme.

Le «Public Non-Exclusif» est constitué par «l’Autre» – celui qui ne s’intéresse pas à l’art, qui vient de loin, qui me fait peur, qui m’est étranger, qui est mon prochain, que je n’attendait pas, auquel je n’ai jamais pensé. C’est ce public et cette audience que je veux toucher et impliquer par mon travail, que je ne veux pas exclure avec mon travail que je veux inclure par mon travail. Je ne veux jamais exclure quelqu’un avec ou par mon travail – ma  forme. Je veux toujours inclure! Ce que j’obtiens de l’autre est un jugement de mon travail, un jugement qui engage, qui est un don, et que je peux prendre au serieux. Je veux diriger tous mes efforts dans mon travail d’artiste, vers cette audience que je ne connais pas. Et c’est cela qui compte dans mon diagramme.

Le «Spectre d’Evaluation»: Le critique  d’art, le collectionneur, le galeriste, le professeur d’art, le directeur d’une institution d’art et le curateur. Ces acteurs d’art constituant le «Spectre d’Evaluation», car leur activité consiste à évaluer l’art, le travail de l’artiste, ils évaluent le travail d’art ensemble, souvent à deux, à trois, à plusieur. Car ils évaluent, ils ne jugent pas – je ne peux donc pas les prendre au serieux. Il est donc essentiel pour moi de ne pas diriger mon travail vers ce public là, il est essentiel que je ne cible pas ce «Spectre d’Evaluation». Mais il est aussi évident que ceux, compris dans le spectre, n’en sont pas exclus non plus (c’est pour cela que les deux cercles se recoupent sur le diagramme) car je ne veux exclure personne par et avec mon travail. Mon diagramme veux montrer que ceux qui font partie du «Spectre d’Evaluation» font aussi partie du «Public Non-Exclusive» et de «l’Autre», je les inclus en tant qu’«Autre» et en tant que «Public Non-Exclusif».

Ainsi jamais le «Public Non-Exclusive» ne devient un «public trié sur le volet» ou un «public VIP», cet nomination d’un public qui veut exclure – au contraire je m’adresse toujours à ceux qui font partie – à Bienne comme ailleurs – de «cet autre-là» que je ne connaît pas et qui est, de ce fait toujours inclus.

 

Photos©Enrique Muñoz García, All rights reserved